« Un gars qui crie avec un guitare » – interview inédite par Armand Meignan-Reolid – 9 mai 2005

Posté le 09 mai 2005

Le Ténia est une espèce unique dans la faune de la chanson française. Né au début des années 90 au Mans (préfecture de la Sarthe, 72) dans le ventre d’un jeune homme amateur de fanzines et de bandes dessinées, il a traversé en 15 ans toutes les étapes du « self-made-singer » des cassettes enregistrées au dictaphone jusqu’à un CD produit par Ignatus et aux MP3, sans jamais changer sa ligne de conduite résolument indépendante.

Véritable phénomène en concert, capable de tout en faisant juste jouer ses mains sur un morceau de bois, Jean-Luc Le Ténia a assuré les premières parties de ses amis des Wampas, mais aussi de façon plus inattendue de Louise Attaque, Hawksley Workman ou même Leslie, l’autre face -sombre celle-là- de la chanson mancelle.

Depuis son antre secrète, à deux pas du circuit des 24 heures, il revient sur son dernier concert mouvementé, son travail en solo, le personnage qu’il a créé, et en prime sur sa rencontre avec l’écrivain Chloé Delaume et sa découverte de l’hypercubisme.

Propos recueillis le 9 mai 2005 par Armand Meignan-Reolid

Quelles sont tes impressions sur ton dernier concert au Bar’Ouf (Le Mans) ?

J’ai bien aimé ce concert parce que, déjà, c’était la première fois que je jouais au Bar’Ouf et j’étais content parce que c’est un des seuls bars où je vais au Mans. La première partie était plutôt douce, la deuxième c’était des chansons un peu plus connues, plus énergiques. Deux lycéennes qui voulaient danser sont montées sur scène. Elles ont dansé pendant l’entracte et je leur ai dit : « Bon, vous voulez danser sur scène, très bien » et je les ai fait monter sur une reprise de T. Rex. Ça s’est très bien passé.

Après, je les ai virées pour qu’elles retournent dans le public. Elles ont voulu remonter et, à partir de là, ça a tourné un petit peu en baston. Elles étaient toutes les deux contre moi et j’ai essayé de les repousser. Il y en avait une qui prenait mon verre de bière et je sentais qu’elle allait me le verser dessus, donc je l’ai devancé : je lui ai versé la bière sur la tête. C’était une petite baston. C’était plutôt pas mal, parce qu’en plus pendant la deuxième partie, je n’arrêtais pas de dire des trucs super macho genre « Power to the dick ».

C’était un refrain que tu avais préparé avant ou que tu as improvisé sur le coup ?

Non… j’avais vaguement pensé dire que « Jean-Luc Le Ténia, c’était pas pour les gonzesses ». Je sais que mon public est quand même avant tout un public de mecs et c’était par contraste avec les boîtes où c’est toujours gratuit pour les filles. Là, je voulais faire un peu l’inverse. Pour une fois, je n’ai pas voulu caresser les filles dans le sens du poil. J’ai vraiment voulu faire un truc… bon c’était drôle.

Les filles ne voulaient vraiment pas descendre de scène et, au bout d’un moment, ça tournait un peu au théâtre : je les attrapais, je les retournais, je faisais des simulations de sodomie et tout. Elles voulaient toujours pas descendre et plus je les repoussais, plus elles se jetaient sur moi, donc je me suis dit : « bon, c’est bon, là maintenant il faut continuer le concert ». J’ai donné un coup de pied sur les deux en même temps, ça les a projetées au bas de la scène et il y en a une qui est tombée sur l’autre et apparemment celle qui était en dessous s’est cognée la tête. Elle était un petit peu assommée et ça a failli mal tourner, parce que si elle s’était blessée…

Là j’ai attendu de voir si elle allait bien, j’ai vu qu’elle recommençait à danser alors j’ai demandé au public s’ils voulaient qu’on continue. Parce que le public se demandait un peu ce qui se passait, je crois. Finalement ils voulaient que ça continue, alors on a continué. Une des filles essayait encore de m’enlever mon micro pendant que je chantais mais il y avait un mec devant qui les empêchait de remonter sur scène, qui remettait le micro. Une sorte de force de sécurité qui s’est improvisée comme ça. Elles ont dansé jusqu’au bout et voilà.

Par contre, la copine de mon frère était furax, elle voulait me gifler « Ah! On ne jette pas les filles comme ça par terre !». Finalement, ça s’est bien terminé.

C’est sûr ça ne se passe pas comme ça à chaque concert. En général, il n’y a pas trop de violence. Ça m’est déjà arrivé qu’il y ait des filles qui montent sur scène, que je me jette dans le public à la fin en cassant un peu tout autour de moi. Mais bon, il n’y a jamais eu de blessés et ça rentrait un peu dans l’ambiance du concert : ça peut commencer un peu chanson française classique, petites ballades rock, et finir plus punk.

Tu n’as pas le sentiment d’avoir eu une pression à une période, quand par exemple des gens te demandaient systématiquement de casser ta guitare ou de te foutre à poil ?

En fait, j’ai eu une période d’un ou deux ans où je cassais pas mal ma guitare. Ça m’est arrivé plusieurs fois à la fin d’un concert. Et après j’ai changé, je me mettais plutôt à poil. Mais bon, sur une centaine de concerts, finalement ça m’est arrivé six fois de casser ma guitare et cinq fois de me mettre à poil.

Je ne dis pas que je ne le ferais plus jamais, mais il faut que ça vienne naturellement. Je ne vais pas me forcer parce que les gens attendent ça. Si les gens attendent ça tant mieux, comme ça ils restent jusqu’au bout, ça remplit un peu la salle. Mais les gens ne viennent pas que pour ça.

Tu conçois tes concerts avec une montée ?

Oui, parce que déjà, je me chauffe moi-même au fur et à mesure. Les gens sont plus attentifs au début et après c’est bien qu’il y ait une montée. Si des fois ça part dans tous les sens, si ça peut devenir destroy, c’est parce qu’à la fin je prends des chansons plus répétitives ou plus rassembleuses. Pour faire un truc qui explose un peu. Ça m’est arrivé aussi de calmer un peu à la fin.

Je ne conçois pas la liste des chansons d’un concert comme la liste d’un CD. Sur un CD, ça peut effectivement partir doucement et finir plus violemment, mais je peux aussi faire des vagues, finir tout doucement. Alors qu’en concert, ça passe moins bien de faire un truc en vagues. Si les gens commencent à chanter dès le début, après c’est plus dur pour qu’ils soient attentifs. A force de faire des concerts, je sais à peu près comment faire réagir les gens.

J’aime bien le côté cathartique de la fin de concert. C’est pour ça que parfois ça peut être se foutre à poil ou autre chose. Amener un peu les gens à se lâcher si moi aussi je me lâche. C’est un effet de question-réponse, une influence entre moi et le public. Comme je suis tout seul, le public c’est un peu mon accompagnateur.

Est-ce que tu as essayé d’autres formules que le solo guitare-chant ?

J’ai essayé deux fois de faire une petite partie au synthé au Lézard (Le Mans), mais jamais avec les accompagnements préenregistrés. C’est vrai que je ne fais pratiquement plus que ça maintenant. Là ça y est, je me suis un peu calmé, mais sur mes deux derniers CD ce ne sont pratiquement que des chansons au synthé. C’est vrai que ce serait peut-être logique que j’en joue en concert mais c’est beaucoup moins facile à trimballer et je ne les ai jamais jouées sur scène. En plus, il y a toujours une petite programmation à faire entre chaque chanson, c’est galère : il faudrait que je note tout, ça ferait beaucoup de travail en plus.

Tu n’envisages pas d’être à plusieurs sur scène ?

Non, ça me stresse en fait. Rien que le fait d’imaginer qu’il faille répéter avec des gens, ça me stresse. Déjà c’est plus dur, ça prend plus de temps et tu ne sais jamais si les gens vont être disponibles, etc. J’aime bien contrôler un peu tout. Ça m’est arrivé une ou deux fois de faire une chanson avec des gens qui étaient là, ou alors au tout début quand j’ai commencé à faire des concerts et que je n’avais pas du tout l’habitude, j’ai essayé un peu, j’ai invité des amis à jouer avec moi. Sur une ou deux chansons ça donnait bien et sur le reste c’était le bordel, donc non ça ne m’intéresse pas.

Est-ce que tu n’as pas transformé le fait d’être tout seul en une force ?

Dès le premier concert, j’étais tout seul et ça s’était très bien passé. Oui, c’est vrai, je vais toujours un peu vers là où je sens que c’est plus facile, là où il y a plus de possibilités : je voyais bien que tout seul ça allait bien. Et puis j’enregistre mes chansons tout seul. Très rarement, j’ai des amis qui viennent jouer avec moi. Je fonctionne tout seul, c’est plus naturel pour moi. Ce n’est pas le public qui m’a poussé dans cette voie là, c’est vraiment tout seul que je me sens le mieux et que ça se passe le mieux.

C’est ce qui me correspond le mieux et quand par exemple j’écoute Daniel Johnston, je préfère quand il est tout seul, même s’il y a des albums avec des accompagnements bons. Sur scène il est toujours tout seul. Je crois qu’il a un groupe qui l’accompagne de temps en temps, mais c’est mieux tout seul. Bob Dylan, c’est pareil je préférais quand il était tout seul. Maintenant j’ai déjà enregistré deux chansons avec les Wangs un week-end. Ça rend vachement bien, c’est rock. Tant pis. Voilà, je suis seul à la guitare, ça ne passera jamais sur NRJ etc. Ce n’est pas grave.

Je pense que c’est aussi parce que tu es tout seul avec pas grand-chose que ça marche …

Oui, il y a un peu d’identification : le mec qui est tout seul et qui a du mal à draguer, tout ça. Pas mal de mecs peuvent s’identifier à ça. Aussi le côté un peu seul contre tous, le mec tout seul sur scène. Du coup, il y a une sorte d’empathie. Ça peut créer une envie d’être avec moi, de m’aider, me supporter.

Et c’est peut-être cette fragilité qui te permet de faire passer des horreurs ou de monter très fort en volume…

Oui, mais… j’écoute aussi bien des chanteurs seuls que des groupes, donc si j’avais plus une mentalité de groupe, ça aurait pu marcher. Peut-être même mieux parce qu’il y aurait eu de la batterie, de l’accompagnement et du coup ça aurait été plus puissant. Parce que le fait que ce soit fort, c’est bien aussi. S’identifier à un truc fort c’est bien aussi. Eminem, il y a quelque chose de vachement couillu, porteur, on peut aussi s’identifier à ça. Je pense qu’il y a les deux : la faiblesse et puis les gens qui me disent « ouais, t’as des couilles de faire ça, d’aller tout seul sur scène ». Les gens sentent aussi le côté un peu «je suis tout seul, j’ai des faiblesses mais je surmonte ça et du coup je peux devenir fort ». C’est un peu comme ça aussi que se conçoivent les concerts : ça commence doucement un peu faible et après c’est le mec qui fait chanter tout le monde, qui s’énerve et qui devient un peu le roi de la soirée. L’identification marche aussi dans ce sens-là : il y a un côté un peu Clark Kent, Superman (rires)

Comment le synthé est arrivé dans tes derniers albums ?

J’avais toujours plus ou moins un petit synthé qui traînait, donc j’ai toujours fait des trucs avec. Après j’ai acheté un vrai synthé d’occasion, un gros synthé avec des super sons. Je me suis rendu compte que c’était agréable de faire des chansons comme ça : il n’y avait que quatre notes à toucher et après la musique venait. C’est un peu comme la guitare où je fais quatre accords et la chanson vient toute seule. Si le son à la base me plaît, les paroles viennent toutes seules, naturellement.

Après j’en ai acheté un nouveau avec une centaine d’accompagnements préenregistrés qui étaient vachement bien faits. Ça m’a mis plusieurs Cds à tout exploiter. Les deux derniers CD, à part une ou deux chansons à la guitare, c’est que des accompagnements au synthé.

Et que des accompagnements préenregistrés ?

Oui, je ne fais pas de programmation, c’est trop compliqué. Comme il y en a déjà de toutes faites qui sont très bien, libres de droits, et qu’à ma connaissance je n’ai jamais entendu un autre groupe utiliser ce synthé là, du coup je suis le premier et c’est vraiment mes chansons. De toute façon après il y a la manière de chanter par-dessus, de l’utiliser, de jouer avec, qui fait qu’il y a de la création et que ça devient encore plus ma chanson. Si j’étais moins fainéant je pourrais faire des samples, des boucles, les créer moi-même. Mais bon, mon ordi est trop vieux, je ne suis pas très nerd…

Bérurier Noir a tourné pendant presque dix ans avec une boîte à rythmes…

Oui, j’aimais beaucoup les Bérus quand j’étais au collège. J’aime bien les trucs simples mais tout de suite avec une mélodie. Les chansons toutes bêtes des années 60, je trouve ça génial. Il n’y aucune obligation que la chanson fasse trois minutes, qu’il y ait tel type de violons à tel endroit… Ça c’est des trucs que les gens croient qu’il faut faire pour passer à la radio. Quand je disais que mes chansons ne passeront pas sur NRJ, si ça se trouve c’est faux, il suffit juste que la mentalité des gens changent. Il y a des chansons qui sont enregistrées en 78 tours avec un son tout pourri et qui ont vachement de charme.

La preuve, c’est l’accompagnement musical des films. Là ils se permettent de passer des vieux machins ou des trucs lo-fi, de la musique classique. Les gens, les jeunes n’écoutent pas vraiment ça mais par contre dans un film ça passe très bien. Ce qui prouve que les gens peuvent aimer des genres musicaux autres que ce qui passe sur NRJ.

Sur quoi tu t’enregistres et sur quoi tu joues comme guitare ?

Je m’enregistre sur un mini-dise avec un bon micro. J’ai une guitare classique. Au début j’essayais un peu tout : la guitare électrique ou folk et je me suis rendu compte que ce qui était le plus agréable à jouer c’était la guitare classique. Déjà ça fait moins mal aux doigts et le son est plus profond, plus beau je trouve.

Pourrais-tu expliquer comment tu as fait l’album avec Ignatus et comment tu t’es autoproduit ?

Au début je faisais des cassettes…

Ça remonte à quand ?

La toute première, c’était une cassette non dupliquée que je passais à des copains dans ma classe, en 90. C’est là en fait que tout a commencé. Au début j’avais enregistré mes chansons qui avaient plu à Tony Papin, un ami qui s’occupe de mon site aujourd’hui. Il m’a dit «pourquoi tu ne fais pas une cassette entière comme ça ? ». Donc j’ai fait une cassette entière et puis une pochette dessinée. Je l’avais prêté à des gens dans ma classe et ça circulait pas mal. Je me suis dit tiens, ça plaît. Du coup j’ai fait d’autres cassettes, là les gens commençaient à se lasser mais c’était trop tard, j’étais parti.

Après, en 95 j’ai fait une compilation. Là j’ai commencé à faire des pochettes photocopiées et tout. Ça marchait pas plus que ça, mais bon j’étais parti. Mais c’est un peu le public qui m’a poussé à faire des cassettes : si la première chanson avait fait chier tout le monde, je n’en aurais probablement pas fait d’autres.

J’ai eu de la chance que dès le début ça ait marché, aussi bien le premier concert que la première chanson enregistrée. C’est vrai que je peux me décourager assez vite : je ne fais pas ça juste pour moi, je n’en suis pas arrivé au stade où je pourrais faire des trucs comme Salinger, enfermé chez moi, que personne ne lit, personne n’écoute. J’ai besoin que les gens les écoutent.

Maintenant je sais que, même s’il y a des périodes où on ne me demande plus en concert, où on ne commande plus de CD, en général les gens viennent, me demandent. Je sais très bien que même s’il y a une période de creux, ça va repartir.

Et après les premières cassettes ?

David Glaser, qui est journaliste et qui faisait la rubrique rock au Mans dans ces années-là, savait que je faisais des chansons. Il y avait un tremplin rock au Caveau, en 97, et un groupe s’était désisté. Trois jours avant le tremplin, l’organisateur a demandé à David Glaser s’il ne connaissait pas quelqu’un et il a pensé à moi.

Le premier concert a très bien marché et à partir de là je lui ai filé des cassettes régulièrement pour qu’éventuellement il en parle dans « Ouest-France ». En fait il a interviewé Ignatus et il lui a filé une de mes cassettes. Trois ans plus tard, en 2000 je crois, Ignatus est venu jouer à La Péniche. Delphine Duchemin de Radio Alpa allait l’interviewer et de lui-même il a demandé si elle me connaissait. Elle m’a appelé : « Ignatus m’a parlé de toi, est-ce que tu peux amener un Cd ?». J’avais sorti un deuxième CD autoproduit qui s’appelait « D’accord ». J’ai filé un CD à Delphine pour qu’elle le donne à Ignatus.

Il m’a recontacté par mail pour me demander comment faire pour avoir d’autres CDs pour des amis. Là j’ai vu qu’il s’intéressait vraiment à ce que je faisais. Et Delphine m’a dit qu’avec lui, il y avait Matthieu Ballet qui est l’ancien clavier de Oui-Oui, et qui lui aussi avait demandé des nouvelles de moi à un autre concert. Et j’ai vu sur internet que Matthieu Ballet faisait du son, qu’il réalisait des albums.

Au tout début j’essayais vaguement d’envoyer des cassettes à des éditeurs ou à des salles de concerts et ils me répondaient toujours par la négative, donc j’ai vite abandonné. Quand j’ai vu qu’Ignatus et Matthieu Ballet étaient vraiment intéressés parce que trois ans après ils se demandaient ce que je devenais, je me suis dit qu’il fallait vraiment que j’essaye quelque chose sinon j’étais con.

Du coup j’ai envoyé deux cassettes à Matthieu Ballet avec un petit mot : « voilà, dis-moi ce que je peux en faire ». Je ne sais plus si c’est Ignatus ou Matthieu qui m’a rappelé pour me proposer de sortir une compilation de mes chansons sur Ignatub, le label d’Ignatus qui jusque-là servait à l’auto-produire.

Donc « Le Meilleur Chanteur français du monde ». Tu as réenregistré les chansons ?

Non. Je leur ai envoyé plusieurs cassettes que j’avais enregistrées au dictaphone avec  du souffle qu’on peut entendre dans trois quatre chansons sur l’album comme « Fous-moi le camp » ou « Le meilleur chanteur français du monde ». Après il y avait quatre/cinq cassettes qui étaient enregistrées au mini-disc.

On s’est réunis tous les trois et on s’est dit ben voilà, il faut une quarantaine de chansons. Il y
en avait deux ou trois cents. On s’est fixés de prendre principalement les chansons au mini‑ disc. On a tout écouté et il fallait qu’on ait trois réponses oui pour que la chanson soit sélectionnée. Et on est arrivés pile à quarante-et-une.

Il fallait trouver un distributeur et ils ont pensé à Pias. Pias voulait que je réenregistre deux-trois chansons pour qu’éventuellement ça puisse passer à la radio. Au début, ça m’a un peu perturbé. Matthieu m’a dit « ouais on fera un truc vraiment à la maison, avec les moyens du bord, pour rester un peu dans l’esprit ». Moi j’ai dit oui mais je suis rentré chez moi et je n’ai pas dormi de la nuit. Heureusement, d’eux-mêmes ils se sont dits qu’il fallait garder le truc pur, tel quel.

La « politique marketing » en gros c’était pas de concessions. C’est ça la force, de dire «pas de concessions, c’est tel quel ». C’était ça l’argument marketing qui n’en était pas vraiment un parce que de toute façon c’était déjà ce que je faisais à la base. Si j’avais commencé à faire des concessions, plus personne ne s’y serait retrouvé, aussi bien moi que le public et ça aurait été une catastrophe.

C’est pareil pour les concerts : maintenant je ne demande plus de concerts. Comme je n’avais que des réponses négatives, je me suis dit tant pis, maintenant ça ne marche que par le bouche à oreille. C’est les gens qui doivent m’inviter. Comme le premier concert avait bien marché après j’en ai eu trois qui m’ont été proposé. J’ai toujours eu des concerts qui m’ont été proposés. Et les Wampas m’ont fait tourner avec eux, ça m’a bien servi aussi.

Et Ignatus t’a autorisé à continuer de faire des disques auto-produits ?

Logiquement sur le contrat je devais en vendre dix mille pour en faire un deuxième. Bon, je n’en vendrai jamais dix mille, ou pas avant plusieurs dizaines d’années… Et comme les gens les gravent, j’ai pas beaucoup de chances de vendre…

Salopards ! (rires)

Je n’ai que des disques gravés maintenant chez moi. J’ai revendu tous les disques que j’avais achetés. Je les ai gravés et je les ai revendus. J’autorise aussi grandement les gens à les mettre en peer-to-peer, parce que ce qui m’intéresse c’est que mes chansons soient écoutées, que ça circule.

J’ai appelé Ignatus et je lui ai demandé : « est-ce que tu veux qu’on fasse un deuxième CD ? Il m’a dit : « ben non, on n’en a pas assez vendu, mets plutôt des chansons en MP3 sur ton site ». C’est ce que j’ai fait. Je suis toujours en contrat avec Ignatus et il m’a aussi donné l’autorisation de faire des CD autoproduits.

As-tu déjà écrit des chansons pour d’autres et pour la gent féminine en particulier ?

Euh… (intense réflexion)

Ca n’a pas dû t’arriver tous les quatre matins…

Il y a un exemple très précis, c’est avec Chloé Delaume (écrivain). La rencontre avec Chloé Delaume, c’était très étrange. Dans le bouquin qui l’a fait connaître, « Le Cri du Sablier », elle parle à trois reprises de ténia. Donc déjà ça m’avait fait tilter. Dans le roman paru après, « La Vanité des Somnambules », elle parle du ténia narratif en quatrième de couverture, et à l’intérieur elle parle sept fois de ténia. Je me suis dit c’est pas un hasard, elle doit me faire un signe pour que je la contacte.

J’ai envoyé une cassette à sa maison d’édition, sans rien, sans lettre. Il n’y avait même pas de mail, j’avais vraiment envie de lui faire un signe à mon tour, de la même manière que je sentais qu’elle me faisait un signe. A partir de là, elle a cherché sur Internet mon e-mail qu’elle a trouvé sur le site d’Ignatus. On a commencé à correspondre un petit peu, je lui ai envoyé d’autres cassettes. Et à un moment elle me dit « tiens, j’aimerais bien faire un duo avec toi, je viendrais au Mans, on enregistrerait la chanson ».

Elle était motivée quoi, et moi aussi. Finalement, elle n’est pas venue parce que, par mail, j’avais envoyé pour rigoler un strip, un gag en trois cases, où je me mettais en situation en train de danser avec Chloé Delaume et à la fin je lui faisais un piou. A ce moment-là, elle était dans une phase où elle n’était pas bien dans sa peau, du coup elle a pris ça comme… Elle avait l’impression que tout le monde voulait la sauter, tout ça. Du coup, elle a arrêté de m’écrire pendant pratiquement un an. J’ai essayé de la relancer par mail. Mais tant pis. Finalement, elle m’a recontacté par mail. Je l’ai relancé par rapport au duo : « ouais faudrait qu’on fasse ça ou ça ». Mais à chaque fois, tout d’un coup, pof, elle arrêtait de m’écrire pendant six mois. Je me disais « bon ça se fera jamais, on n’y arrivera jamais à faire ce duo ». Après elle me relance « oui faudrait que tu viennes à Paris chez moi, enregistrer ça » et après, paf, plus de nouvelles.

Au début de cette année, elle m’a dit « bon, je crois qu’on n’arrivera jamais à se voir donc on va faire ça à distance ». Elle voulait que je lui envoie un MP3 sur lequel elle aurait rajouté ses voix et qu’elle aurait retravaillé avec un logiciel. En fait, comme j’avais plus Internet, je lui ai envoyé ça par la Poste.

J’ai enregistré une chanson qui s’appelle « Du haut » où je m’étais dit : puisqu’il y a un rapport chat et souris, je vais lui envoyer un truc qui va lui rentrer un peu dans le lard… Je n’avais pas envie de faire un truc rigolo où on se moque des écrivains, je voulais faire un truc qui rentre dans sa vie à elle. J’ai fait un texte où je dis que c’est elle qui m’a appelé dans ses bouquins, que je suis son ténia, que je suis à l’intérieur d’elle etc… Un peu dans l’esprit de ses livres.

Je me suis dit « soit elle ne va pas aimer du tout, soit ça va vraiment lui plaire ». A priori elle a trouvé la chanson sublime, elle en a parlé sur son blog où elle dit qu’elle a reçu le CD, qu’elle a plus qu’à enregistrer ses parties. Ça en est là, j’attends que la suite arrive.

C’est le seul cas donc ?

C’est le seul cas vraiment où on m’a demandé une chanson.

Dans ta chanson « Un standard », tu te mets en scène en train de composer très vite. C’est vrai ?

C’est vrai. En même temps, je ne peux pas faire beaucoup de chansons sur commande comme ça, parce que je n’aime pas trop qu’on me commande. Mais oui, je peux passer trois semaines sans rien enregistrer et d’un coup j’ai envie faire une chanson. Ça vient très vite : en une demi-heure, une heure maxi, la chanson est faite. Ça vient tout seul parce qu’il doit y avoir un travail qui se fait dans la tête.

Je ne pense pas qu’au moment où je prends la guitare ou le piano, la chanson se crée d’elle-même. C’est vraiment parce qu’entre temps j’ai vu plein de trucs, j’ai pensé à plein de choses. Je pense à plein de trucs tout le temps donc du coup je dois quand même travailler. J’ai le capot qui travaille. Ce n’est pas un travail de concentration assidue où je me force à sortir un truc. Disons que je suis travaillé plus que je ne travaille. Après j’ai des facilités, rares, je pense, à trouver un air, une mélodie qui soit bien. Je pense qu’elles sont bien parce que je les écoute régulièrement et j’ai quand même quelques échos de gens qui les écoutent. J’écoute énormément de choses, aussi bien français qu’étrangers, donc je sais en gros où je me situe et j’ai vraiment des facilités à faire un truc où il y a une mélodie, une harmonie, des paroles qui soient bien. J’ai un instinct assez fort pour savoir ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire. Ça m’arrive de faire des mauvaises chansons mais je m’en rends compte assez rapidement, je crois.

Tu improvises les paroles et la musique en même temps ?

Non, j’improvisais vachement quand j’enregistrais au dictaphone parce que j’étais à une période où je commençais à faire des chansons et je n’avais qu’à appuyer sur un bouton. Maintenant je n’improvise quasiment plus. J’écris au fur et à mesure.

Enfin la chanson, je l’écris rapidement mais je ne la crée pas au moment où j’enregistre comme ça m’est arrivé pour « Fous-moi le camp » ou « Le Meilleur chanteur français du monde » qui est vraiment une impro pure. Maintenant, comme il faut quand même tout un petit préparatif, brancher le mini-disc, allumer le micro etc., ça perd obligatoirement en spontanéité. Même je ne sais pas si j’arriverais encore à faire ça. Peut-être, mais ce n’est plus ce qui vient naturellement donc je ne me force pas.

En général soit ça part d’un mot que j’ai noté dans un carnet ou d’un bout de phrase. Et à partir de là je trouve d’autres choses et ça vient facilement. Je prends la guitare ou le synthé, je trouve un air et je commence à faire un truc, des fois en yaourt. En fait j’ai pas de méthode. A chaque fois, si je me dis «je ne pourrais jamais écrire une chanson de cette manière-là », un mois plus tard je me rends compte qu’il n’y a aucune raison. « Pourquoi ? Qu’est-ce qui m’empêche de faire comme ça ? ». Par exemple, je m’étais dit que c’était débile de faire une chanson en écrivant tout le texte d’abord et après en mettant la musique, pour moi ça devait se faire en même temps c’est ce que j’avais dit à un autre gars pour une interview. Et après je me suis dit, mais non… Alors je ne voulais pas me contredire. Mais j’en ai écrit plusieurs où je faisais tout le texte d’abord et après la musique. Ça donne en général des chansons parlées, parce que c’est vrai que j’ai pas le sens de l’alexandrin. C’est des chansons comme « Le Postulat du menteur ». Je n’ai pas de système en fait, ou alors j’ai tous les systèmes.

Une nouvelle question pour « Guitare Magazine »: est-ce que tu travailles ton jeu de guitare ? Tu dois savoir faire plus de trois accords a priori ? (rires)

En fait j’ai d’abord appris le piano quand j’étais petit. Ce sontmes parents qui m’ont forcé à apprendre le piano et le solfège, et puis j’ai laissé tomber au bout de deux, trois ans. Ça m’a quand même permis de pouvoir apprendre la guitare tout seul. Ensuite des copains m’ont appris quelques techniques. Au début, pendant un an, je faisais un barré avec un doigt et puis je faisais « Les Béruriers sont les rois » et j’étais content comme ça.

Un jour, t’en as marre et forcément tu t’ennuies donc tu vas voir un peu plus loin. Un copain m’a appris à accorder ma guitare…  Au début j’avais appris à l’accorder, mais finalement elle était désaccordée, parce que je faisais ça avec la tonalité du téléphone, tu sais… Un autre copain m’a appris à lire les tablatures. A partir de là, j’ai pris les partitions qu’étaient à la médiathèque et j’ai commencé à reprendre des chansons de Lou Reed qui sont en trois accords, faciles à jouer. Et au bout d’un moment j’en avais marre, j’ai rajouté quelques accords. Finalement, à force de faire des chansons t’es obligé de changer un petit peu pour pas que ce soit toujours les mêmes. Des fois ça m’arrive de ne pas avoir envie d’enregistrer et de prendre la guitare pendant une heure mais c’est très rare.

Quand tu fais une chanson comme « L’Âme du Mans », est-ce que tu te rends compte que tu as vraiment capté un truc sur la ville, ou c’est juste une boutade pour toi ?

Non, c’est vraiment une chanson qui me correspond et qui me tient à cœur. C’est vrai que ça parle de moi, du Mans, de ma vie. Elle est particulière parce que je dis quelque chose que je pense sincèrement, que je suis l’âme du Mans. Ça peut paraître un peu bizarre. Je raconte des choses qui me sont arrivées effectivement mais c’est mis d’une telle manière que ça peut intéresser les gens, ce n’est pas un truc complètement hermétique. Ça peut intéresser les gens parce qu’il y a autre chose derrière ça.

Tu reprends ce que les gens disent de la ville pour en faire quelque chose de beaucoup plus fort ?

Le truc au Mans, ce que les habitants disent en gros,  c’est qu’ils se font chier mais bon ils y restent quand même et puis « il y a rien, il se passe rien ». Moi j’y habite et je comprends que des gens de passage puissent dire ça. Mais des gens qui y habitent et qui y restent, ce n’est pas vrai, ils ne peuvent pas dire ça, forcément ils sont attachés à la ville.

Dans plusieurs chansons, quand je parle de certains trucs du Mans, c’est une manière de réenchanter un peu. Le truc c’est que tant que les gens ne se voient pas, ils ne prennent pas conscience. Donc dans mes chansons je parle du Mans, comme ça les gens voient Le Mans et comme je rajoute d’autres trucs, ça change la vision de la ville. Ça la réenchante, ce qui fait que maintenant si jamais quelqu’un qui aime beaucoup ce que je fais passe au Mans, il va voir la ville différemment parce que j’en aurais parlé « tiens, ça c’est la médiathèque », toc ça va devenir un truc un peu magique.

Mais moi cette manière magique de voir les choses, je l’avais à la limite avant de faire des chansons. Pour moi Coco-Plage (plan d’eau fort populaire de Sillé-Le-Guillaume) a toujours été magique. Quand je dis que je suis l’âme du Mans, ça veut dire que c’est moi, par mes chansons, qui donne la vie qui existe déjà mais que les gens ne voient pas.

Après il y a le côté mythologique, des chansons comme « Ténia-Mania », « Le Fils du Ténia », « La Ténia-attitude », « Gloria Ténia », quand tu crées un personnage…

En fait c’est un personnage et ce n’en est pas un, parce que c’est quand même moi. Mais avec un pseudo : le Ténia. Je sais d’ailleurs toujours pas trop pourquoi j’ai choisi ça. J’ai vaguement des images, des couleurs qui me viennent quand je pense à ça mais… Avoir cet espèce de personnage légendaire, Jean-Luc Le Ténia, ça permet justement de greffer tous ces trucs-là autour par rapport à la ville.

Il y a un côté un peu christique ou eucharistique dans le sens où en fait, quand moi je serai mort, il restera toujours cette entité de Jean-Luc Le Ténia, qui sera un peu comme… les anciens dieux grecs et tout, qui existent par eux-mêmes. Et c’est ça qui m’intéresse. Parce que Jean-Luc Le Ténia c’est une entité qui existe déjà, même si c’est moi qui l’anime, et qui existera encore quand je serai mort.

Finalement ça n’est pas narcissique, parce que moi, ce n’est pas moi. C’est Jean-Luc Le Ténia qui a sa propre légende et sa propre vie. Bon, maintenant si je peux en profiter dans la vie et choper quelques gonzesses grâce à ça, tant mieux mais…

J’étais sûr que tu allais dire ça !

Non, mais moi ça m’amuse, pas forcément que pour les filles. Ça me plaît vachement d’avoir un personnage qui redonne une magie à la ville et à pleins d’autres trucs, parce que ça sort du Mans aussi, Jean-Luc Le Ténia.

La métaphysique du Ténia, expliquée par lui-même :

L’hypercubisme, ça vient d’hypercube. L’hypercube, c’est une sorte de forme géométrique qui est assez difficile à imaginer. C’est un cube avec une dimension en plus, la quatrième dimension, celle de l’espace-temps, qui est bien connue des scientifiques. Comme dans le film (« Cube², Hypercube »), qui est inspiré de ce truc scientifique.

Depuis que j’ai vu « Donnie Darko » je me suis vachement intéressé à tous les trucs d’espace-temps : les trous de vers, les voyages temporels et toutes les théories qui tournent autour. Je m’y suis intéressé comme j’ai pu, avec mon petit cerveau.

En fait je me suis rendu compte que ce que je faisais c’était de l’hypercubisme. Je ne peux pas t’expliquer ça beaucoup plus, parce que c’est plus un truc intuitif que clairement défini. Ca englobe vachement de choses, c’est un truc super-mégalo.

Je me suis rendu compte que c’était ce qui pouvait définir ce que je faisais avec mes chansons et aussi avec d’autres choses, dans ma vie en général. Aussi bien le diary que j’avais fait sur Internet que les bandes dessinées etc. C’est toujours énormément de points de vue différents, à différents niveaux et différents lieux de l’espace-temps.

L’exemple concret pour expliquer ça, c’est la rencontre avec Chloé Delaume. C’est parti d’un petit livre où elle parlait de ténia et je me suis dit mais c’est de moi qu’elle parle. Après je l’ai rencontrée… à distance. Elle m’a demandé de faire un duo et finalement au bout de deux ans le duo va se faire et dans les paroles même du duo, je parle de ça, du fait qu’elle m’a appelé et tout, en fait je récupère le début du truc.

Dans les théories de l’espace-temps, il y a le truc bien connu du voyage dans le temps : si tu peux voyager dans le temps, tu peux rencontrer ta mère avant que tu sois né, baiser avec elle, et du coup devenir ton propre père. C’est quelque chose d’impossible concrètement mais si le voyage dans le temps est possible, c’est possible. De là, tu as des théories qui diraient qu’il y a plusieurs univers parallèles.

Là c’est pareil, un peu comme le ruban de Moëbius, un truc qui se rejoint et qui n’a pas de début ni de fin, qui tourne sur lui-même. C’est à la fois faux que Chloé Delaume m’a appelé et vrai puisque maintenant je l’ai récupéré. C’est une vision en-dehors de la vision temporelle. Si tu arrives à te mettre en dehors du temps, tu vois le passé, le présent, le futur, comme un tout simultané. Dans la rencontre avec Chloé Delaume, il y a à la fois une temporalité, je t’ai raconté comment ça s’est fait progressivement, et maintenant si tu te mets au-delà de ça, que tu vois ça comme un tout, il n’y a pas vraiment de début ni de fin. Tout était déjà fini. Ça ne veut pas dire qu’il y a un destin parce qu’il y a une possibilité d’univers parallèles.

L’hypercubisme est une manière de comprendre la réalité avec une dimension, l’espace-temps qui existe mais qu’on a du mal à appréhender. Mais en ce moment, c’est vachement dans l’air du temps, les gens commencent à comprendre peu à peu cette réalité du monde. Des films comme « Hypercube »…Même dans la pub : il y a une pub avec Jean Reno qui parle de ça. Les gens sont en train de s’habituer à cette manière de comprendre le monde. C’est un truc qui existe déjà mais qu’on comprend peu à peu. Comme un jour on a compris que c’était la Terre qui tournait autour du soleil et pas l’inverse.

Je n’ai pas inventé cette théorie-là, mais mes chansons finalement, même s’il n’y a pas que ça, c’est complètement là-dedans. Et puis voilà, je suis le premier à avoir dit « hypercubisme » donc je suis content, j’ai trouvé le terme avant les autres (rires).


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