endoscopie

Posté le 28 novembre 2010

 

ENDOSCOPIE

(auteur-compositeur: Jean-Luc Lecourt, alias Jean-Luc Le Ténia)

accord: fa

Le tube au bout au bout duquel il y a une caméra rentre en moi, il rentre par mon cul, ma narine, mon autre narine, par le trou des yeux qui sert à pleurer, par ma bouche enfin, pour filmer chaque recoin de l’intérieur de mon corps, l’endoscope éclaire les parois de mes intestins, de mon oesophage, les images sont retransmises sur l’écran qui est à ma droite, le médecin paraît soucieux, le médecin paraît hilare, le médecin est une femme, le médecin est une vidéaste-amatrice, une amatrice de film X, une actrice de film X, de porno-amateur, elle regarde sa montre, elle tourne le bouton qui dirige l’endoscope, il se tord comme un serpent à l’intérieur de mon corps, mon corps n’a plus aucun secret pour elle, mais ça ne suffit pas, il reste toujours des secrets, elle enfonce un gros interrupteur blanc, plutôt beige, plutôt jaune pisseux, blanc immaculé, elle l’enfonce dans le mur et mon lit coulisse à l’intérieur de la grosse turbine, est-ce qu’on va créer un choc d’électron juste au-dessus de mes deux yeux, une fission thermo-nucléaire, juste sur et entre mes deux dents de devant, ou tout simplement une explosion atomique dans mon crâne, mais non, pas du tout, c’est pour un scanner, un scanner de mon crâne, et les deux turbines roulent l’une dans l’autre, créent un champs magnétique, roulent l’une dans l’autre en sens inverse, crée un champs magnétique, modifie quelque chose dans l’espace, peut-être modifie quelque chose dans mon espace, mon espace personnel, mon espace physique, ma cartographie intime, que la médecin-chef photographie, filme à l’aide de son scanner-centrifugeuse, la médecine-chef, la médecine-cheftaine, la cheftaine-en-chef, la grosse cheftaine, la putain de grosse nana africaine en blouse blanche assise sut tous les tubes qui rentrent dans le moindre de mes orifices, les perfusions qui me percent le bras, en veux-tu en voilà, les lettres mortes, les boites-aux-lettres mortes, même les espions peuvent tomber malades, se retrouver alités, prisonniers, filmés sous les moindres coutures, coutures d’opération, tricot d’appendicite, grosses boules dans la gorge, hépatite, ganglions intempestifs, chiasse, la fête dans tous les téléviseurs, retransmission en direct de la coloscopie du président de l’association contre les chiens battus, tous ces ténias à tête chercheuse, à tête d’objectif, je voudrais maintenant passer la radio de mon bras, de mon pied, voir les os de ma main, mes fractures préférées, je veux aussi voir les images posséder ces négatifs, grands formats, les conserver dans mon armoire, voir avant tout le monde ou presque (n’oublions pas la médecin-chef et son assistant alcoolique), mon squelette, ma tête de mort souriante, ma tête de mort qui se croit vivante, je suis à l’hôpital, et toutes le caméras qui surveillent les couloirs, le chambres, les hall d’entrée se sont éteintes, il ne reste plus en action que les caméras des endoscopes, tous infiltrés en moi, se tortillant lentement, frétillants, brillants, gluants, leurs têtes bleues fluos, phosphorescentes, on ne voit qu’elle dans le noir de l’hôpital, on ne voit qu’elles dans la noirceur de mes interstices, les grottes vraiment très serrées de mon coeur, avez-vous trouvé les habitants de mes troglodytes, irrécupérables, inutilisables, non-oxydables.


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