camera-man

Posté le 28 novembre 2010

 

CAMERA-MAN

(auteur-compositeur: Jean-Luc Lecourt, alias Jean-Luc Le Ténia)

accords: fa la# fa do/fa do

Mes yeux sont des caméras, et je suis une caméra, au bout de mes doigts, des caméras, à mon dos attaché une caméra, je suis en train de chevaucher une caméra, ma casquette n’est pas juste une casquette, c’est une caméra, une caméra, c’est une caméra, je suis caméra-man, au bout de chacune de mes caméras, il y a une caméra, au bout duquel il y a une multitude de caméras, qui se téléscopent, qui s’agglutinent, se complètent, renchérisse, émulation, plus d’images, de meilleures images, de plans, de meilleurs plans, de travelling, de meilleurs travellings, de flagrants délits, de meilleurs flagrants délits, de surveillance, de meilleure surveillance, je suis l’homme-caméra, un objectif téléscopique sort de mon sternum, voyez-vous l’iris claquer, se resserrer, votre reflet dans l’œil du chat, aux multiples paupières, qui ne se rabattent que pour protéger de temps en temps le verre des poussières et des gravillons et des acides sulfuriques, et je suis étanche, je peux nager la brasse et aller sous l’eau, je peux filmer dans l’espace, je peux vous filmer à travers les murs par captation thermique, derrière les montagnes et les planètes, je peux vous filmer à travers le passé en captant la lumière que vous avez renvoyée il y a des milliers d’années, je peux vous filmer à travers le futur, en captant la lumière que vous renverrez dans 10000 ans, je peux vous filmer au-delà du temps, car je me situe en dehors du monde, pour moi, passé, présent et futur, c’est simultané, votre espace-temps sont des images que j’ai toutes enregistrées, une quantité quasi-infinie de photographies, qui mises l’une après l’autre donne l’illusion du mouvement, le film de vos vies, je le contiens, je le filme, je l’ai déjà filmé, car ces images ont toujours fait partie de moi, je les filme, elles étaient déjà filmées, en les filmant je les projette, mes caméras sont des projecteurs, et je projette les images de vos vies, qui misent bout à bout donne l’illusion que vous vous faites du temps, « la flèche du temps », c’est un des trucs les plus cons que j’ai entendu de la part des scientifiques, « la flèche du temps », évidemment vous auriez du mal à penser autrement, allez montrez-moi votre meilleur profil, ou ne me le montrez pas, de toutes façons je le trouverai, je l’ai déjà trouvé, je suis caméra-man, et j’ai des caméras de chaque côté de vous, car mon corps est partout, mes caméras sont partout, autour de vous, à l’intérieur de vous, elles prennent le moindre grain de votre peau, le moindre plombage de votre dentition, la moindre de vos molécules, capter également une malice dans votre regard, la fausse excuse de retard avec l’imitation de la signature de votre père en classe de seconde au lycée, j’ai tout filmé, je sais tout, je sais aussi quand vous êtes rentré dans les renseignements généraux, dans la DGSE, dans le Mossad, dans Interpol, dans le FSB (anciennement KGB), dans le FBI, dans la police, je sais quand vous êtes entré dans cette agence de détectives privés, de paparazzis, je vous ai filmé quand vous faisiez vos premiers pas dans le hacking informatique, j’ai vu aussi quand vous vous êtes fait gauler, et que vous avez rejoint le camp de l’adversité, juste pour éviter quelques années de prison, ou tout simplement pour le pognon, j’ai vu tes premiers pas en tant qu’espion, et le film qu’on a tiré de ton nom et de ta réputation, quelque peu usurpé si je peux me permettre cette réflexion, je ne suis même pas sûr de pouvoir formuler une opinion, je ne suis qu’un œil et qu’un projecteur, je ne suis que la mémoire et le créateur, je ne suis que le monde et sa représentation, je ne suis que l’alpha et l’oméga, le début et la fin, le verbe du commencement et le mot de la fin, je ne suis que vous et votre miroir, je ne suis qu’une caméra qui filme une autre caméra, qu’un projecteur, qu’un écran et qu’un spectateur, je ne suis qu’un spectre de lumière aux mille couleurs, un fantôme amoureux de son ombre, un drap impeccable sur un lit qui vient d’être refait, une caméra survolant un lac immense nappé de reflets.


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